« Tout va bien, et la situation s’améliore de jour en jour... »
C’est en résumé tout le discours du Recteur lors de la réunion du Comité Technique Paritaire académique qui s’est tenue le 10 octobre.
Sur l’ensemble des questions, l’aveuglement béat du Recteur ne peut que laisser pantois :
– concernant les résultats des examens, le Recteur a voulu démontrer que, depuis 2009, année de la mise en place de la « réussite éducative », la stagnation des résultats des bacs général et technologique était un progrès. Pourtant, les chiffres parlent d’eux-mêmes. Concernant le bac général, il y a eu, sur cette période, 57 candidats de plus et 74 lauréats de moins, soit, tout au plus, une certaine stabilité, alors que le plan de « réussite éducative » avait été promu comme devant permettre de diplômer 700 bacheliers de plus !
De même, les évolutions du bac technologique, qui est effectivement en progrès depuis 2009 (il passe de 3 604 à 3 727 bacheliers,- mais il faut rappeler qu’il y en avait eu 4 000 en 2008 !) est uniquement due au développement de la série ST2S, qui monte en puissance par l’ouverture de nombreuses sections, les autres séries étant elles en berne : - 61 lauréats pour les bacs STI, - 67 pour le bac STG.
L’unique progression notable est donc celle des bacs professionnels, qui augmentent de plus de 1 000 lauréats par rapport à 2009 : mais ce n’est que l’effet mécanique de la réforme des LP qui a conduit à la disparition du BEP comme examen.
La situation académique est donc toujours très inquiétante quant à l’évolution du nombre de bacheliers, et, surtout, témoigne de l’inefficacité totale de la politique qui a consisté à réduire artificiellement et arbitrairement les redoublements en seconde pour mettre en place une illusoire politique de « soutien » en première et terminale.
– Concernant l’orientation des élèves, si le chef du service académique d’information et d’orientation a tenu un discours plus mesuré et nuancé que l’an passé, où il avait ouvertement accusé les enseignants d’être responsables de « freiner les ambitions »des élèves, nous avons néanmoins eu droit au même déni de la réalité des chiffres qui figuraient pourtant dans le dossier à examiner. Ainsi, la poussée vers l’orientation en seconde générale et technologique en fin de troisième, passée de 56,5 % en 2007 à 61,6 % en 2011 est loin de traduire une amélioration des résultats des élèves issus du collège. Au contraire, elle se traduit par un maintien à un haut niveau, et même une poussée, des réorientations en fin de seconde, qui concerne environ un élève sur 10 (9,6 %).
L’académie se retrouve ainsi dans la situation paradoxale d’avoir un taux de redoublement en fin de seconde plus faible que la moyenne nationale (8,5 % contre 9,2 %) mais un taux de réorientations particulièrement élevé (moyenne nationale : 6 %) ; or, on sait que derrière le terme « réorientation » se cache aussi la déscolarisation, qui devrait inquiéter au premier chef notre Recteur.
Là encore, la politique d’affichage et la gestion comptable des flux se paye, et au prix fort pour les élèves. Ce qu’il faut, c’est améliorer les conditions d’études des jeunes, au collège comme au lycée, pour assurer leur réussite, et non pas créer artificiellement des « succès » qui sont lourds de frustrations à venir pour des jeunes mis en situation d’échec lourd.
– Nous avons formulé des inquiétudes quant aux évolutions des effectifs d’élèves entrant en sixième. En effet, il a y eu nettement moins d’élèves qu’attendu dans les collèges publics : seulement 183 de plus que l’an passé, alors que le rectorat prévoyait une hausse de 607. Dans le privé, en revanche, c’est la situation inverse : une hausse de 272 élèves alors qu’une baisse de 89 était prévue. Le Recteur n’avait aucune remarque à formuler à ce sujet, semblait découvrir la situation, mais avait au moins une réponse : en aucun cas il ne fallait y voir l’effet de la dégradation des conditions d’études dans les collèges publics, et encore moins de « l’assouplissement » de la carte scolaire. En gros, il n’avait aucune analyse précise, mais déjà beaucoup d’a priori, reposant sur un dogme : la politique académique est la bonne, même si les chiffres disent le contraire.
– Même aveuglement, lié à une totale méconnaissance de la situation, concernant les stagiaires. Le Recteur a en effet justifié l’affectation à temps plein des collègues lauréats des concours par le fait qu’ils avaient « fait des stages » pendant leur cursus pré-concours. Pire encore, il a indiqué que les affectations en établissement difficiles ne concernaient que « quelques cas », alors qu’il s’agit d’un stagiaire sur sept qui est affecté en établissement ZEP, sensible, CLAIR, RAR, etc... Le Recteur Mucchielli a fini par l’admettre, tout en trouvant que cela n’était pas « beaucoup » et au final « pas grave ».
– Quant au bilan du mouvement, l’échec complet du dispositif ECLAIR, qui a conduit à laisser vacants la moitié des postes à pourvoir dans ces établissements difficiles, avec pour effet d’y voir nommés pour l’année des stagiaires ou TZR, a suscité au contraire un concert de louanges... on peut difficilement aller plus loin dans la langue de bois et dans le déni, mais on n’est jamais au bout de ses surprises dans ce genre de réunion !
D’autres questions ont été abordées, sans d’ailleurs que le Recteur donne à aucun moment l’impression ni de maîtriser les dossiers, préférant faire intervenir les chefs de division ou le secrétariat général d’académie, ni de franchement s’intéresser aux débats, pressé principalement d’en finir au plus vite avec ce pensum que constitue pour lui une après-midi entière sans pouvoir prendre de photo à publier sur le site académique.
Pour preuve de sa considération pour les instances de concertation, il a été dans l’incapacité de se remémorer le vœu adopté à l’unanimité moins une voix (la sienne) par le conseil académique de l’éducation nationale de mars dernier, concernant la demande d’un moratoire dans l’application de la réforme des STI. Lorsque nous lui avons demandé les suites données à ce vœu, il a indiqué vaguement qu’il « avait fait remonter » sans plus. Autant dire qu’il n’a convaincu que d’une chose : son mépris absolu pour le dialogue social.